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« Anca Sonia : La préhistoire contemporaine »
Il faut avoir constaté de visu le relationnel tissé entre ses élèves et l’artiste pour saisir pleinement ce que signifie « la transmission du savoir » chez Anca-Sonia. Elle fait perdurer un esprit hélas peu partagé par ses contemporains mais qui par le passé fut celui des grands maîtres, de Leonardo Da Vinci à Rubens. L’Art n’est pas une pratique égoïste et n’a de raison d’être que par la transmission. Elle n’apprend pas le dessin ni le modelage, elle propose l’éveil des consciences, l’ouverture, l’accueil, afin que les bénéficiaires de ces instants précieux ne créent pas ce qu’ils voient mais ce qu’ils ressentent, par la vibration, l’acceptation d’une pédagogie, prolongement d’une philosophie de vie, reconnaissant « je suis né telle que je suis, faisant de mon parcours une source d’inspiration qui m’a permis de devenir ce que je suis aujourd’hui ».
Anca-Sonia ne sépare pas sa vie quotidienne de sa vie professionnelle. La manière dont elle professe auprès de ses élèves est avant tout une leçon de vie qu’elle partage tant avec ses disciples - on pourrait utiliser ce terme sans le galvauder - qu’avec ses enfants, ses amis, ses proches. C’est un concept, celui d’une forme de liberté, celle de dire oui ou non, de choisir l’accueil - terme qui lui est cher - la remise en cause d’habitudes, de postures doctrinales qui petit à petit ont éloigné l’Etre humain de son instinct primitif, de ses racines.
La quête philosophique d’Anca-Sonia s’exprime au travers de son art . Elle défait, selon ses termes, ce que la société a fait. Elle revient à l’essentiel, encore et toujours. Ainsi l’achèvement d’une première partie d’œuvre picturale, un cheval par exemple, n’est que le prélude à la déstructuration qui doit le dépouiller jusqu’à le rendre, à coups de lacérations, de clairs obscurs, d’érosions, à son aspect primaire, dépouillé de tout ; c’est son acte participatif à un récapitulatif historique, le retour à une base, un hommage à une préhistoire qu’elle recompose avec une liberté souveraine en art contemporain, mêlant en une même sarabande reconstructive chants grégoriens et RnB, poésie de Villon ou d’Eluard.
Le lien est fait et l’œuvre s’éclaire. Ces déstructurations, ces apparitions de créatures étranges dont on ne sait si elles crient, hurlent de douleur ou de trop plein de vie, sont des transparences créées pour aller voir ce qui se passe au-delà du simple aspect physique, soulignant, humain et animal confondus, les désaccords d’une humanité avec elle-même.
Cette approche inventorielle de la préhistoire à nos jours se moque des espèces, des couleurs de peau, des religions ou autres particularismes artificiels. Anca-Sonia nous montre la voie d’un métissage universel, et qu’importent dès lors les sujets, taureaux fiers et puissants postés sur des pattes fragiles, chevaux orgueilleux intimement liés à nos civilisations, le gigantisme des toiles est celui de la force du message voulu par l’artiste, archéologue de l’Histoire.
Anca-Sonia par « la Préhistoire contemporaine », dénomination ambiguë, aborde le mystère du nœud Gordien entre Lascaux et nos cités de verre. Elle nous invite à la réflexion. Il faut accepter et entrer dans la modernité sauvage de son œuvre, prendre le temps de la contemplation attentive, sans craindre l’inconditionnalité du contemplateur, bien évidemment.
Marc Goujon
Conservateur du patrimoine